Trouver les mots pour décrire l’expérience. C’est que les copines veulent savoir, tu vois. Les copines veulent savoir. Ce stage ? Alors, ce stage tantrique ? Ce stage… Les copines veulent savoir et toi tu veux dire. Trouver les mots pour rendre justice à l’expérience. Trouver les mots justes. Trouver les mots aussi justes que l’expérience fut juste, pour toi. Car l’expérience fut juste, pour moi. Mais les copines veulent savoir. Elles veulent savoir plus. C’est vrai ce que l’on dit ? As-tu trouvé l’amour ? As-tu trouvé l’amour grâce au stage ? Et c’est vrai, j’ai trouvé. Mais je n’ai pas trouvé ce que l’on croit, pas comme on le croit. Ce stage n’est pas comme un site de rencontre où il faut cocher les cases pour trouver la “bonne” personne. J’ai trouvé. Toutefois, je reste seule, pour le moment. Mais quelque chose de l’amour était là entre nous. Une possibilité de justesse d’abord de soi à soi-même. J’ai trouvé de quoi apprendre à écouter le désir ou son absence en moi, et à respecter ça, plus que tout. Car si je fais semblant, pour ne pas te peiner, si je ne suis pas juste avec moi-même, comment sera-t-il possible d’être juste avec toi ? J’ai trouvé ça, cette justesse-là. Et voilà les larmes aux yeux de bonheur, et voilà la grande joie qui arrive, l’immense fierté. Et voilà, le corps vivant, tremblant en entier. Je peux dire “non” même sans comprendre pourquoi. Je peux dire “non”, juste parce que ça dit “non” en moi. Je peux dire “non”, même face à celui qui en face de moi me regarde avec ses yeux pleins d’un désir de “oui”. Je peux dire “non” même si ça lui fait de la peine, même s’il n’a pas “mérité” ça. Je peux dire “non” et il va falloir que je le dise, quoiqu’il m’en coûte, et je le ferai car au bout de ce “non”, peut naître la possibilité d’un “oui”, le rêve d’un “oui”. Voilà un “oui”, qui dirait “oui” tout entier, voilà un “oui” dans toute la plénitude de mon être et de mon corps, voilà un “oui” sacré. “Oui”, j’ai trouvé l’amour. “Oui”, c’était précieux de vivre ça. “Oui”, ça m’a donné de la force, une force immense, une force colossale, et il nous en faut pour vivre encore. Si ce stage ne m’avait appris que ça, j’aurais déjà trouvé que c’était beaucoup. Mais, je dois être juste, rendre compte justement. Et dire aussi l’étonnement, le grand étonnement d’une tradition traditionnelle où les hommes font les hommes et les femmes font les femmes mais où, au delà de nos différences, se travaille la possibilité d’une grande réconciliation. Car chacun se trouve enfin entendu avec ses besoins, par l’autre. Je n’étais pas vraiment fâchée contre les hommes, je n’étais pas fâchée, mais tout de même, j’étais peut-être un peu fâchée. Et par delà moi, toutes les lignées de femmes de mon arbre généalogique étaient fâchées et par delà moi, toutes les plaintes, toutes les détresses, toutes les rancœurs cachées. Cela a été, pour moi, l’occasion de prendre conscience de tout cet héritage. Car il va falloir rendre aux générations passées ce qui leur appartient. Car je ne peux pas garder tout ça sur mes épaules. Car il faut que je vive ma vie. Car les hommes qui se tiennent face à moi n’y sont pour rien. Je les regarde et ils me regardent. Et plein de compassion pour ma détresse, en voilà un qui pleure, s’excuse et balbutie. “Mais tu ne m’as rien fait”, je dis. Et je m’aperçois combien ces hommes-là sont fragiles aussi. Les voilà, tentant de s’accepter eux-mêmes dans leur humanité et dans leur manque. Les voilà tentant de réinventer aussi une autre virilité. Les voilà, ces hommes nouveaux issus d’une tradition si vieille. Les voilà, ceux qui savent le prix du respect mais aussi sa valeur. Les voilà ceux qui cherchent autre chose qu’un accord de surface. “C’est dans notre intérêt à nous, aussi”, ils disent. Et c’est ainsi que l’amour entre hommes et femmes peut devenir meilleur. Ce n’est pas rien, je dis. Les copines me regardent, les yeux surpris. “Et si le stage s’était arrêté là”, je dis. “Si le stage s’était arrêté là après que je me sois réconciliée avec toute la race des hommes, ç’aurait été vraiment immense, déjà. Ça m’aurait suffit.” Et les copines acquiescent, silencieusement. Mais ce n’était pas tout. Alors, les voilà qui en redemandent et veulent savoir. Qu’est-ce qui a pu se passer d’autre ? J’ai trouvé des femmes pour me soutenir. Mères, sœurs, filles, nous marchions ensemble. Il fallait aller loin en moi pour trouver cette féminité, cette sensualité qui me faisaient si peur. Mais toutes ces femmes étaient là. J’ai trouvé toutes ces femmes. Des femmes qui se soutiennent, des femmes qui me soutiennent, des femmes m’apprennent, chacune à sa manière. Toutes ces femmes… C’était bon pour moi. Et dans le groupe qui soutient, apprendre ensemble à se libérer de nos peurs, chacun à son rythme. On est en été mais c’est un peu le grand nettoyage de printemps. Et dans l’eau de la piscine, je souffle tout l’air de mes poumons. Petit instant d’apnée, sensation de flottement, éternité avant de remonter à la surface. Un tout petit stage pour un grand renouvellement de soi. Et alors, au bout de ces deux jours et demi, changée durablement, je regarde les autres participants, les autres êtres qui vivent cette expérience, à côté de moi. C’est chacun pour soi. “On est toujours tout seul au monde”, dit la chanson. Pourtant quand je les regarde, l’amour est là, entre nous, et c’est beau. Un tremblement intérieur me suit les jours d’après. Je pense à cette phrase que nous disait ma mère, quand, enfants, on avait le hoquet : “C’est le cœur qui grandit”. Voilà ce que je peux raconter. Ce n’est pas assez et c’est déjà bien trop. Les copines réfléchissent. A toi d’essayer, si tu oses, si tu es prêt.e. Si tu veux… C’est le cœur qui grandit. Merci à Isabelle Gras et à Gilles Miscoria de m’avoir proposé cette expérience dans un cadre si sécurisé et sécurisant.